Après avoir tourné le dos au surréalisme à la fin des années 1940, l’artiste autrichien Arnulf Rainer, né en 1929, évolue vers une peinture reprenant à l’expressionnisme sa radicalité et sa violence et les poussant à un point extrême. Considéré comme un pionnier de l’Art Informel, il développe au tournant des années 1960 une pratique qui deviendra sa « signature » : le recouvrement (Übermalung).
Le processus de création de ses gravures en tant que tel participe à cette démarche d’annihilation et de recouvrement. Dans un procédé qui pourrait évoquer une forme de mysticisme alchimique, l’artiste donne de son corps pour altérer la plaque de métal ; il attaque le cuivre verni (sur lequel parfois une image a été reportée) à la pointe sèche, puis le mord à l’acide. L’opération peut se renouveler plusieurs fois, aboutissant à des états successifs de plus en plus recouverts. Le travail d’Arnulf Rainer porte les stigmates de ce rituel mécanique et en utilise les caractéristiques pour délivrer une œuvre que l’artiste définit lui-même comme « complexe et ambiguë ». Pourtant, entre les lacérations, l’artiste laisse apparaître des interstices de blanc ; une respiration qui sublime la frénésie du recouvrement.
Ses dernières « Überradierungen » éditées par Lelong Editions, seront exposées à la librairie au côté de quelques œuvres uniques sur papier et d’une sélection de gravures plus anciennes, une manière pour l’artiste de nous confronter à l’indicible : libre à nous de tenter d’y déceler ce qui s’y cache.
